Le contexte

JOHN McAFEE photographié en 2012 par Brian Finke pour « Wired ». (©BRIAN FINKE)
M. McAfee découvre en 1986 que deux Pakistanais viennent de créer le premier virus absolument inoffensif nommé ‘Brain‘. John Mc Afee décide de créer le premier antivirus contre ce non-danger. Il passe de journaux en radios pour expliquer que toutes les entreprises qui n’achèteraient pas son antivirus vont faire faillite sous peu.
Transférant sa paranoïa aux utilisateurs déjà inquiets de l’émergence de cette nouvelle technologie, il engrange les bénéfices jusqu’à revendre sa société et son antivirus à INTEL pour 8 milliards de dollars en 2010.
L’innovateur
Mais John McAfee se sent encore persécuté. Craignant des poursuites imaginaires, il s’enfuit au Bélize et se réfugie dans une île. Quand un visiteur arrive, craignant la police, il s’enterre vivant dans le sable avec un carton sur la tête pour respirer. Fuyant des poursuivants imaginaires, il rentre aux USA en clandestin et ne sort que pour chercher des prostituées au Lover’s Bar (voir article). Actuellement, il crée un fonds d’investissement et s’intéresse à vos téléphones.
L’innovation
Le marché des antivirus pour Windows est encore détenu à 2,5% par la société McAfee (contre 15,9% pour le premier, AVAST) pour un marché global de 75 milliards de dollars, avec un potentiel de croissance d’un facteur trois d’ici 2020.
Élément |
raisons de l’impact |
Peur de la perte de données |
technologie nouvelle mal maîtrisée et rupture technologique,incertitude géopolitique |
Peur du mot « virus » |
contexte de l’épidémie de SIDA; peur d’une propagation; McAfee véhicule un discours apocalyptique. |
Conspiration |
McAfee véhicule une image de lanceur d’alerte voulant sauver les entreprises d’une menace qu’on leur dissimulerait. Cela trouve écho dans les dirigeants à la personnalité anxieuse |
Autoconfirmation |
émergence d’autres virus plus agressifs confirmant la menace et lancement d’une guerre arme/bouclier mettant la pression sur le consommateur en obligeant à des mises à jour |
SaaS |
les antivirus sont peut-être les premiers représentants du Software As A Service dans la mesure où un antivirus non mis à jour est rapidement inutile. Le client doit donc souscrire à une mise à jour et reste lié à l’éditeur de l’antivirus |
Inspiration
Cet « innovation case » est assez étonnant dans la mesure où l’innovation ne crée initialement aucune valeur pour le client puisque le virus qu’elle combat est inoffensif. À son stade initial, l’innovation peut donc être considérée comme un gri-gri, un porte bonheur. Le développement de virus dangereux confirme alors l’efficacité du gri-gri dans un cycle d’autoconfirmation qui continue encore aujourd’hui. Le marché est encore aujourd’hui très fragmenté (une quinzaine d’opérateurs) ce qui manifeste une indécision des clients quant au meilleur porte-bonheur à adopter. La personnalité tourmentée de l’innovateur est clairement l’élément clef du succès. En transférant sur des clients dans l’incertitude quant à la technologie, nouvelle en 1986, sa paranoïa McAfee crée de la valeur par l’offre d’une protection très hypothétique. L’objet antivirus est un cas d’innovation très étrange. En effet, il crée un marché énorme en traitant initialement un besoin apparemment inexistant. En fait, l’innovation de McAfee ne créait pas la valeur sur le potentiel de protection de l’antivirus, mais sur le traitement de la crainte des entreprises mal assurée de la technologie qu’ils implantaient.